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Chronique Manga : Shinobi Gataki

posté à par Bruno de la Cruz
Voulez-vous définitivement définir votre édition comme Français ? oui

"Ce manga conte les histoires de Samourais et de Ninjas. Plus précisément, des Samourais surhumains contre des Ninjas Mutants". Ces mots, signés avec humour et auto-dérision de l'auteur Nikiichi Tobita dès la première préface du récit, sonnent particulièrement justes. Il n'y a pas de tromperie sur la marchandise. Nul besoin de creuser bien loin, Shinobi Gataki , conclu en 5 volumes chez Kurokawa (voir un extrait), propose bien un affrontement à rallonge deux figures qui continent encore et toujours de faire fantasmer (voir les chiffres de Naruto). Et si vous avez quelques kilomètres au compteur, il est possible que cette histoire de vengeance teintée de romance manque d'ambition, de profondeur, d'originalité. Mais l'intérêt est-il vraiment là ?

La structure narrative est très clair à ce sujet, proposant rapidement un schéma rodé : le protagoniste découvre un nouveau lieu, progressant dans sa quête, et élimine avec facilité un adversaire plus coriace, tel un mini boss. Le terme de boss est approprié tant Shinobi Gataki semble être la version manga du jeu Onimusha (CAPCOM, 2001). Que ce soit au niveau du bestiaire avec son héros démoniaque, le cadre donc (avec l'éternel Oda Nobunaga), et les compétences des opposants, mais aussi une certaine répétition, l'expérience est proche. Nous pouvons aussi y ajouter cette facette théâtrale, comme si le titre était conscient de son aspect relativement lyrique ou caricatural. Il faut dire que les ficelles et retournements de situations sont facile à lire. Pourtant, en dépit de ses défauts, Shinobi Gataki conserve son charme, et repose en grande partie sur les efforts graphiques de Nikiichi Tobita (voir son compte Twitter, d'ou sont tirés tous les visuels de l'article).

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Ca commence par le rendu des visages, réalistes. Sans avoir la prétention de draguer Hiroshi Hirata, Tobita ne joue pas la carte de l'ultra stylisation. Ses postures, ses mains, ses regards, sont finement dessinés et se veulent crédibles. Il est possible que l'auteur travaille avec un bon dossier de références mais il digère bien les différents plans pour réduire ou conserver les détails (il n'hésite pas à flouter les personnages apparaissant au loin, se concentrant sur le posing, ce qui permet de conserver leur prestance). Et si les premiers chapitres toussent un peu en terme de découpage, le tout devient par la suite assez fluide pour qu'on suive l'aventure, et même assez bien foutu quand l'action s'en même. C'est là l'un des qualités de Tobita : assumer toute la démesure des capacités spéciales des personnages pour proposer des planches ambitieuses. Et il faut avouer que certains techniques sont un calvaire à illustrer. Sans aucune pirouette ou ellipse, Tobita relève le défi.

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Son art s'expose volontiers sur de pleines pages, le temps d'un finish, mais l'artiste s'en sort très bien sur les planches à plusieurs temps (comme celle-ci face au serpent). On peut aussi apprécier son aisance sur le monster design, classieux ou grotesque. Avec Monster Hunter sur le CV, on comprend mieux pourquoi. En revanche, il est regrettable d'assister à certains combats très vite expédiés, la faute à cette ultime technique imparable, mais on peut mettre ca sur le dos du format. Heureusement, les duels de fin de parcours propose un moelle plus généreuse.

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Shinobi Gataki n'est pas vraiment à comparer au reste de la production. Lion de la spiritualité de Vagabond, à mille lieux de la poésie mortelle d'un Hiroaki Samura (L'Habitant de l'infini), sans lien avec l'histoire d'Hirata ou le fun de Kenshin, le titre est finalement assez unique dans l'offre actuelle française. Si sa structure narrative est périmée et le traitement des personnages très convenu, il offre une lecture divertissante grâce au pur talent de son dessinateur. Un classicisme et une approche semi réaliste généreux qui dénote autant du plaisir qu'il prend que du sérieux qu'il y met. Et quand un artiste semble s'éclater sur son œuvre, c'est bien là l'essentiel.


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